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René Charles de Villemur avait vécu une journée éprouvante. La lecture du Radical en éradiquerait, peut-être le souvenir. Il déplia le journal et ses yeux de tombèrent sur l'interview du grand spécialiste des lieux clos B.René, qui s'étalait en page deux. " Vous avez consacrez un grand nombre d'années à l'étude du comportement animal, les rats en l'occurrence, dans des situations d'isolement et de dépaysement total. Pensez-vous que les nouvelles règles éditées soient à même de modifier la nature de ce jeu et par voie de conséquence à calmer la virulence des attaques de ses opposants ? " René Charles haussa les épaules. Que voilà une question essentielle ! pensa-t-il en expulsant de ses poumons la fumée de son cigare. " Je ne pense pas que le souci de la chaîne ait été de répondre aux critiques de ses détracteurs. Je pense plutôt que c'est l'audimat qui a guidé ses choix ! La nouvelle saison le Loft Story ne connaît pas le même succès que la première… D'où ces nouvelles règles… d'ailleurs je parlerai plutôt de nouvelles modalités " Il se frotta les yeux alors que la douce chaleur de la fumée de son Havane irradiait ses membres. Une gorgée de whisky plus loin, il pressa le bouton numéros six de la télécommande. Une vue d'ensemble de l'aéroport de Toulouse-Blagnac envahit l'écran, puis, au terme d'un long travelling avant doublé d'une fondue enchaînée, le sourire d'un animateur lui succéda. " Comme vous le savez nous avons décidé de changer quelque peu les règles du jeu… chaque semaine nos amis lofteurs embarqueront à bord d'un avion qui les mènera dans une ville chaque semaine différente… Cette semaine nous avons choisi Toulouse comme ville d'accueil… et comme vous pouvez le constater, tout autour de moi, et surtout l'entendre, c'est déjà une foule dense qui se prépare à recevoir la nominée... mais sans plus attendre voyons quelles sont les tendances " La caméra quitta un instant le visage du présentateur pour balayer les centaines de personnes qui avaient envahi une grande partie du hall des arrivées ou avaient pris d'assaut la cafétéria. Au passage de la caméra, la foule, se devinant filmée, se mit à applaudir René Charles de Villemur saisit la bouteille de Whisky et se remplit son verre puis une grimace dubitative aux lèvres, il prêta de nouveau son attention au présentateur. " Mais tout peut encore changer !… Pour cela vous disposez du téléphone ou du mobile… 1 franc par appel… " Il avala une lampée de liquide ambré. " Et surtout n'hésitez pas à en parler autour de vous, reprit le présentateur en ébauchant une légère flexion sur ses jambes " Le commissaire de Villemur ferma les yeux, aussitôt les images du cadavre découvert dans l'après midi place Belfort déferla dans son l'esprit…. Un gamin de douze ans… battu, violé, dissimulé dans une poubelle ! " Mais sans plus attendre tournons-nous vers le loft… voyons comment nos amis lofteurs ont réagi aux nouvelles règles… " René Charles ouvrit les yeux alors que la télévision diffusait maintenant des images enregistrées : " Le propriétaire vous informe des nouvelles règles du jeu, lisait un garçon de grande taille, à la chevelure frisée. - Ah! s'exclama en cœur le groupe installé sur des canapés aux couleurs jeunes. Le porte-parole du propriétaire décrivit les nouvelles modalités du jeu avant de conclure : - Le nominé découvrira la ville qui l'accueillera en quittant l'avion - Ouais-Cool-Génial ! s'écrièrent les candidats qui venaient de se lever et qui, après s'être mis en rond autour de la table basse, levaient maintenant les bras au ciel. - Attendez … c'est pas fini… reprit le grand frisé, le couple gagnant sera conduit, le 24 juin, au salon du Bourget à bord du Concorde… - L'éclate ! s'époumona une des filles en secouant sa longue chevelure - Une fête sera organisée, elle marquera un triple événement : leur victoire, la clôture du salon et la reprise officielle des vols du supersonique ! - La super teuf ! reprit la même fille. - C'est clair ! riposta une autre. René Charles de Villemur écarquilla les yeux. Orly le Bourget en Concorde ! La chaîne ne reculait devant aucun sacrifice ! Au bas de l'écran apparut un carton jaune qui portait la mention : " Live " - Le loft ? Vous m'entendez ? - Oui !… s'égosillèrent les jeunes regroupés dans le salon - Dirigez-vous vers la sortie, un bus vous attend pour vous conduire à l'aéroport ! - Super cool… Génial ! - Maya c'est ton baptême de l'air, déclara une des participantes à l'adresse de la peluche qu'elle serrait contre son cœur. - Fabuleux … reste toi… reste vrai ! - Ma puce on t'aime, enchaînèrent les garçons. " René Charles avala une dose de whisky et, appuyant sa tête au dossier du fauteuil, ferma les yeux. L'avion venait de se poser sur la piste et rejoignait, à faible allure, l'aire de débarquement. Dans le hall de l'aéroport, le discours du présentateur se noyait sous les cris, les rires et les applaudissements de la multitude. Tout le monde attendait la nominée dont l'animateur, une enveloppe à la main, s'apprêtait à révéler l'identité. Une bousculade se produisit… Les images sautèrent… Un visage encagoulé envahit l'écran. - Ceci est une prise d'otage ! hurla l'homme masqué en pointant son revolver sur la tempe d'une des nominées. - Foutre Dieu ! s'écria de Villemur en bondissant sur ses pieds. Inutile de perdre de temps. Il rafla sa veste de cuir, vérifia son arme et claqua la porte de sa villa de la rue du Japon. Et alors qu'il actionnait le démarreur de sa voiture son portable tressauta. - J'arrive… J'ai vu ça à la télévision. - Vous regardiez cette émission ? s'étonna son adjoint - Le spectacle de la sottise chasse parfois celui de la folie, riposta-t-il alors qu'il s'engageait sur la voie expresse… Il parqua sa voiture devant la porte du hall des arrivées le l'aéroport de Blagnac où une armada de policiers contenait la foule surexcitée. - Il semble qu'il y ait un hic, l'avertit son adjoint Octave alors qu'il franchissait la porte coulissante. - Où sont les responsables de ce foutoir ? - Les représentants de la chaîne nous attendent dans les bureaux de la sécurité… le GIGN est en place pour une intervention… ils attendent vos instructions… Le commissaire marqua le pas : - Une intervention devant cinquante caméras et quatre-vingts micros, à moins que ce ne soit l'inverse !… Que le ministre en prenne la responsabilité ! - Bonjour Messieurs, lança-t-il en pénétrant dans le bureau où étaient rassemblé les responsables de l'émission avant d'ajouter, vous êtes dans la merde !… si vous n'aviez pas imaginé cette abracabrantesque histoire d'avions nous n'en serions pas là ! Son regard se posa sur les visages souriants des cinq hommes. Il sentit une goutte de sueur dégouliner entre ses omoplates. Il observa un instant le mur de télévisions envahies par la neige, qui se dressait derrière eux… Une étrange impression d'irréalité l'envahit… - De Villemur, énonça un des hommes avant d'esquisser un pas de danse qu'il conclut par ces mots : il s'agit d'un petit problème de communication - Un petit problème de communication… répéta René Charles, le corps ruisselant de sueur. - Ce n'est pas une véritable prise d'otage… vos services auraient du être avisé… et nous aurions évité ce déploiement de force… René Charles de Villemur observa les individus qui se dressaient face à lui. - C'est excellent… désolé pour le dérangement ! hurlèrent-ils avant de sombrer dans l'hilarité. Vaincu par les rires, il s'avança vers la sortie. Mais avant de franchir le seuil du bureau il se retourna et demanda : - Quel dénouement avez-vous imaginé ? - Nous allons leur annoncer qu'il ne s'agissait que d'une prise d'otage factice - En d'autres termes une plaisanterie du propriétaire ! Ses yeux se posèrent sur les écrans que la neige avait désertes et qui retransmettaient les images de l'intérieur de la carlingue. - J'espère, messieurs, que le couteau que l'un de vos concurrents vient de planter dans le ventre de votre faux pirate de l'air est lui aussi factice, sinon… René Charles de Villemur s'éveilla en sursaut. Son regard sauta de l'écran de télé, aux prises avec des spots publicitaires, à son verre de vide. Décidément, même le spectacle de la puérilité ne lui valait rien ! La sonnerie du portable coupa court à ses réflexions. - Patron on a un gros problème… Vous savez qu'un avion devait conduire les concurrents de Loft Story à Toulouse… Un type s'est introduit à bord… et les retint en otage. - C'est une plaisanterie ! Un coup de pub de la chaîne ! - Ca m'étonnerait… il a collé une balle dans la tête du présentateur. |
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