Du rififi rue Gamm.A d'Alfredo





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La quiétude et la joie de vivre régnaient, sans partage, dans la rue Gama, qui baignait dans la douce lumière d’un matin de printemps, d’un de ces matins où le soleil levant caresse les façades balayées par un petit vent suave, chargé des senteurs sucrées de la nature en éveil.
Devant la porte de la résidence « Sines », le concierge, adepte du blanc éclatant, sermonnait, vertement, les petits noirauds Ben et Tom qui s’amusaient à quelques mètres de sa voiture.
A la poissonnerie « Alentejo », les ménagères, vêtus de robes imprimées, achetaient du thon ou des moules, ou plus modestement discutaient entre elles, espérant pêcher par-là même des idées. A la laverie automatique, « C’est neuf ? Non c’est lavé ! », qui dressait sa vitrine entre la résidence « Sines » et la poissonnerie « Alentejo », deux bouchers donnaient à laver leur tablier ensanglanté au droguiste.
Sur le trottoir d’en face, un jeune couple branché se prélassait à la terrasse du café « Au grand méchant loup », deux verres de Canada sur la table.
Dans la vitrine de l’horloger, les montres broyaient le temps, et affichaient 11 heures 45.
La sonnerie de l’école expérimentale « Vasco » retentit.
Immédiatement, une nuée de têtes blondes envahit le trottoir, et telle la flaque d’urine d’un chien qui n’aurait pas appris la rue, elle s’étendit sur le pavé. Au milieu de cette ribambelle piaillante, le petit Bob Nux malmenait les tresses d’une rouquine qui riait aux éclats.
L’employée de maison, que Monsieur Nux dépêchait tous les midis et tous les soirs devant l’école, saisit, au grand désespoir de la fillette, le petit Bob par la main et l’entraîna vers l’autre côté de la chaussée.
Hector, le chauffeur, repéra la femme et l’enfant, alors qu’ils s’apprêtaient à traverser la rue. Il tourna la clef de contact.
Ajax et Pâris descendirent de l’auto et se portèrent à la rencontre du petit Bob Nux et de sa gouvernante.
Ajax était sur le point de ceinturer le bambin quand, d’une voiture garée à quelques mètres, émergea un grand escogriffe armé d’un pistolet gros format.
Il jeta un regard affolé vers Pâris. Leur projet avait été découvert ! Des langues malintentionnées s’étaient déliées ! Et la flicaille leur avait tendu un piège ! Ils étaient pris en flagrant délit de kidnapping !
Il n’y avait pas d’autre solution que de dégainer et de faire feu. Ajax tenta de dégager son pétard, mais l’intrus ne lui en laissa pas le loisir. Il lui balança une giclée de plombs qui lui broya le sternum et creusa une large galerie entre son cœur et la rue.
A la vue de ce triste spectacle, le sang de Pâris, fidèle bras droit d’Ajax, ne fit qu’un tour. Il pressa, à deux reprises, la gâchette de son arquebuse. Le grand escogriffe écopa d’un lot de métal en pleine poire.
Malheureusement, celui-ci, avant de s’abattre sur le pavé, eut le temps de chatouiller son revolver. La balle qui en jaillit se ficha entre les deux yeux de Pâris. Dans un ultime sursaut, ce Cyclope des armes à feu appuya, de nouveau, sur la gâchette de son parabellum.
Le projectile traversa la rue, pulvérisa les vitres de la voiture du concierge de la résidence « Sines » et arracha à ce gardien la main droite, qu’il brandissait en direction des petits Ben et Tom qui jouaient au « Sacré numéro », une fois de plus, autour de sa voiture. Alors que la main giflait la face bouffie de la locataire du troisième, descendue seconder, pour la circonstance, le concierge, et zébrait son visage de cinq rayures rougeâtres, tout en dégueulant, dans son corsage, son trop plein de sang, la balle terminait sa course folle dans la vitrine de la laverie automatique.
Surpris par le vacarme, le droguiste laissa tomber le paquet de lessive dans une machine à laver.
Au même instant, jugeant que le travail du croque-mort était suffisant, Hector passa la première, et, dans un infernal mugissement de moteur, mit les bouts.
La voiture fila à vive allure. Malheureusement, au sortir de la rue Gama, elle percuta une moto qui s’y engageait. La voiture s’immobilisa. La moto bondit par-dessus l’auto et entre ciel et terre désarçonna son conducteur.
Profitant du calme fugace qui venait de s’abattre, le complice du grand escogriffe, qui était sorti de l’auto au même moment que ce dernier, mais que n’avaient remarqué ni Ajax, ni Pâris, ni Hector, expédia un essaim de ferraille en direction du véhicule d’Hector avant de recevoir, sur la tronche, la moto, lasse de jouer à « Pigeon vole ».
Simultanément, le motocycliste, qui venait, lui aussi de décrire une trajectoire parabolique, atterrit sur l’étalage de la poissonnerie « Alentejo ». Les sardines se répandirent sur le carrelage. La clientèle, que cette débauche d’explosions et de cris avait tétanisée, à la vue de ce corps sanglé de cuir au milieu des vertébrés aquatiques fut prise de panique et se précipita vers la sortie. Mais le sol, que la chute des sardines avait vendu glissant, entrava leur fuite, et ce fut le cul par terre que les ménagères débarquèrent sur le trottoir.
Une des balles, qu’avait envoyées le comparse du grand escogriffe, avait percé le réservoir d’essence de la voiture d’Hector et un fin filet de liquide s’était déversé sur l’asphalte. Insensible aux glapissements des femmes qui, les fesses mouillées, jonchaient la chaussée, l’essence avait cheminé le long de la rue Gama, jusqu’à un mégot rougeâtre. Les flammes parcoururent le trajet en sens inverse. La voiture d’Hector explosa.
Un morceau de pare-chocs tournoya un moment dans les airs, avant de s’engouffrer dans un des appartements de la résidence « Siles ».
A cet instant précis, l’employeur de Mademoiselle Airham était, presque, parvenu à ses fins. Il venait, après une lutte âpre, d’arracher la culotte à son employée et se préparait à l’embrocher sur son sexe turgescent. L’éclat de fer chromé se figea dans son thorax.
Cinq étages plus bas, la mousse, que dégorgeait la machine où le droguiste voulait laver les tabliers des bouchers, avait envahi l’établissement « C’est neuf ? Non c’est lavé » et provoquait un court circuit qui dégénéra, presque aussitôt en incendie.
Une heure plus tard, Patrick Fonvieux, journaliste d’expérience au Radical, gazette locale de la démocratie, déboulait rue Gama. Il avisa dans la foule le commissaire René Charles de Villemur, et d’un ton railleur, il lui demanda :
- Alors commissaire, encore une bavure ? ...
Avant de répondre, René Charles embrassa du regard la petite rue Gama où grouillaient les services de secours. Ses yeux se posèrent sur le bloc d’immeubles. L’explosion, qui avait conclu l’incendie de la laverie automatique, l’avait partiellement soufflé.
- Oui... murmura-t-il enfin, avant d’ajouter, mais entre truands !
- Entre truands ?
Les bandes d’Ajax et de La-Croix voulaient kidnapper le jeune Bob Nux.


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