La tragique histoire d`Adèle H. Morris d'Alfredo





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Elle ouvrit ses yeux...

Que rencontra son regard ? Sur quel objet, sur quel visage se posa-t-il ? Le bleu de ses yeux, qu’elle venait de dévoiler , tomba-t-il sur le visage souriant de son ami ? Allait-elle se précipiter dans ses bras puissants, écraser ses lèvres de sa bouche avide et, de sa langue vorace, forcer sa cavité buccale ? Se préparait-elle à nouer solidement ses jambes autour de sa taille, à frotter son corps au sien d’une ondulation langoureuse et pressante ? Collés l’un à l’autre allaient-ils basculer sur une couche défaite ? Leurs mains affolées et fébriles allaient-elles courir sur leurs corps allongés, sauter les ultimes obstacles de tissus qui les protégeaient ?

Le soleil avait déchiré l’obscurité de la nuit en début de matinée, aux premières heures de l’aurore. Très vite, dans un mouvement ascensionnel irrésistible, il avait répandu sa lumière et sa chaleur sur la ville endormie.
Mademoiselle Zoé H. Morris, en ce matin de printemps, déploya beaucoup moins d’énergie que cet astre céleste.
Elle ouvrit ses yeux alors que onze heures sonnaient à sa pendulette.
Zoé H. Morris était âgée d’une vingtaine de printemps et s’enorgueillait, secrètement, du corps magnifique que la nature lui avait offert. Son torse s’ornait de seins délicats, à l’arrondi doux et couronné de mamelons fiers et bruns. Son ventre plat, légèrement hâlé et discrètement musclé, dominait une paire de longues jambes au galbe parfait. Au sourire de son visage, répondait celui, plus fripon et secret, que lançaient les fossettes qui enluminaient ses fesses.
Pour la belle Zoé, l’après-midi ensoleillée qui commençait n’était pas une après midi ordinaire. Elle avait rendez-vous, dans une paire d’heures, avec le beau jeune homme qu’elle aimait et qui l’aimait.
Excitée par ce galant vendez-vous, et pressentant qu’elle finirait la journée dans un lit chaud et douillet, elle aspergea, avec soin, mais sans excès, sa somptueuse anatomie, sa blondeur intime, ses sillons secrets, de senteurs enivrantes. Puis, sachant fort bien qu’en amour, le paraître prend souvent le pas sur l’être et, qu’en certaines circonstances, il l’anéantit, elle revêtit son corps de dentelles et de soie noire avant d’enfiler une courte jupe fendue et une sorte de guenille sortie tout droit d’un magasin chic.
Ainsi parée, elle se sentait investie d’une force invincible dont elle n’avait nul besoin puisque le cœur de son ami n’était plus à conquérir, mais dont la présence lui était agréable.
Elle dévala l’escalier jusqu’au sous-sol et s’engouffra dans le parking souterrain.
Le claquement sec de ses pas rapides sur le sol en béton, avant de mourir comme asphyxié, se répercuta une dernière fois contre les parois grisâtres et chichement éclairées par des ampoules pisseuses.
Un silence pesant s’abattit.
Un bruissement se fit entendre.
Zoé H. Morris redressa vivement sa tête. Elle embrassa du regard le parking. Ses yeux coururent d’une voiture à l’autre.
Un mouvement d’air lui caressa la joue. Deux mains crasseuses se refermèrent sur elle. Des bras puissants l’enserrèrent par la ceinture. Un souffle chaud et fétide dégoulina le long de son cou. Elle hurla.
Quelque part, un chat miaula.
La prise se desserra. Elle pivota. Un violent coup de poing la cueillit sous le menton et la propulsa contre sa voiture.
Zoé H. Morris glissa, tel un pantin désarticulé, sur le sol froid et maculé d’huile.
Petit Jacques la jeta, sans ménagement, dans le coffre de la voiture et gagna, à bord de celle-ci, une maison en ruine.
Il tira la belle Zoé du coffre, puis il la saisit par les chevilles et la traîna sur le plancher défoncé du rez-de-chaussée. La jupe de Zoé se retroussa. Petit Jacques s’arrêta. Ses yeux remontèrent le long des jambes moulées dans des bas noirs. Ils sautèrent par-dessus l’ourlet, plus sombre, qui ceignait ses cuisses à mi-hauteur. Ils s’immobilisèrent un instant sur la chair dénudée, puis, agrippés à la jarretelle, ils se hissèrent jusqu’à la lisière de sa culotte.
D’un revers de la main, Petit Jacques essuya les gouttes de sueur qui perlaient sur son front.
Ayant retrouvé son souffle, Petit Jacques se remit à tracter Zoé. Son slip, qui frottait contre le parquet couvert de gravats, s’incrusta dans sa peau, le tissu se tendit à l’extrême, les fesses débordèrent.
D’un coup de langue, Petit Jacques happa la transpiration qui gouttait aux coins de sa bouche.
Il jeta Zoé H. Morris sur un vieux matelas que jonchaient des restes de repas.
Le temps passa. Zoé H. Morris bougea légèrement.
Elle ouvrit ses yeux. Elle observa le local sordide, le matelas crasseux, le visage difforme de l’homme qui lui faisait face.
Petit Jacques se pencha vers elle et posa sa main rougeâtre sur sa cuisse.
Le voile d’hébétude, qui enveloppait Zoé, se déchira. Elle hurla.
Bondissant sur ses pieds, elle se lança en avant. Petit Jacques lui colla une claque magistrale qui l’expédia contre le mur. Puis, il l’empoigna par les cheveux, la retourna et, d’une bourrade sèche, l’envoya valdinguer, la tête la première, sur le lit.
Le visage de Zoé s’enfonça dans la couche bosselée et parsemée de bouts de pain moisis, de papiers gras, de couvercles de boites de conserve.
La puanteur l’assaillit. Des relents d’urine, de vomissure, de vinasse la maintinrent clouée sur le lit. Des sanglots brefs, mais violents lui secouaient le corps.
Elle se redressa sur ses coudes. Un filet de bave s’échappa de sa bouche.
Petit Jacques se tenait derrière elle, hilare, heureux de vivre.
Il posa ses mains sur les hanches de Zoé et ramena vers lui ses fesses. D’un geste brusque, il souleva sa jupe et lui arracha le slip.
L’élastique du sous-vêtement mordit, jusqu’au sang, la chair délicate. Elle cria et tenta de se sauver à quatre pattes.
Tout à coup, alors que Zoé sentait une des mains de son agresseur fouiller sa blondeur intime, elle l’entendit cracher.
Le jet de salive atterrit sur le bas de son sacrum, puis il ruissela le long de son sillon secret.
Zoé balança ses pieds au hasard, en direction de son assaillant.
Petit Jacques poussa un grognement de douleur. Zoé venait, avec son talon, de percuter ses testicules. Il se releva et s’éloigna.
Zoé H. Morris, terrorisée et sans voix, se blottit au fond du lit, dans une encoignure de la pièce.
Petit Jacques s’approcha. La rage incendiait son regard. Son front était nappé d’énormes gouttes de sueur. Sa respiration rauque résonnait dans la maison.
Zoé laissa fuser une longue plainte. Ses larmes se mélangèrent à la salive qui jaillissait de sa bouche à chacun de ses sanglots. Elle se tassa un peu plus dans l’angle de la pièce. Sa main rencontra le couvercle déchiqueté d’une conserve. Le métal lui entailla la chair. Elle ferma les yeux.
Elle sentit les doigts de son agresseur se refermer sur ses chevilles. Elle l’entendit rire.
Elle ouvrit ses yeux, et fendit l’air d’un geste de la main.
Une grimace atroce paralysa la face suintante de Petit Jacques. Ses traits s’étirèrent jusqu’à l’extrême, jusqu’à la déchirure. Ses rides et ses plis faciaux furent secoués d’un tremblement qui ôta à son visage tout aspect humain. Ses yeux disparurent sous des amas de viande velue, son nez se dilata jusqu’à l’aplatissement, son front se crevassa, sa bouche s’estompa sous une écume épaisse avant de s’ouvrir, telle une plaie purulente, et de laisser échapper, mêlé à des renvois puant le vin et le tabac froid, un cri insoutenable, un barrissement où s’entrechoquaient des borborygmes, des rots et des sanglots.
Son regard bondit de ses mains ensanglantées qu’il avait instinctivement portées à son bas-ventre, sur l’objet sanguinolent qui, lui aussi, reposait sur le matelas crasseux, aux pieds de Zoé H. Morris. La douleur le terrassa. Il s’abattit sur le sol.
Zoé observa le corps qui gisait à quelques mètres d’elle et qu’agitaient des convulsions. Elle appuya sa tête contre le mur, posa son regard sur le plafond et ferma les yeux. Ses muscles se détendirent, le couvercle métallique au pourtour acéré, avec lequel elle avait tronçonné le sexe de Petit Jacques glissa entre ses doigts et chuta, sans bruit, sur le lit.
Au fil du temps, les hurlements de Petit Jacques perdirent de leur intensité, ils se muèrent en un gémissement sourd, en une plainte étouffée.
Elle ouvrit ses yeux et découvrit à une paire de mètres d’elle, baignant dans son sang, Petit Jacques qui gisait sans vie sur le sol, le visage tourné dans sa direction.


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